Mon bel ami des couleurs, si tu lis d’une traite l’ensemble des articles de ce blog, c’est assez vite fait mais l’on peut remarquer quand même que j’essaie d’y faire une apparition régulière !
J’avais dit dans le premier article qui l’inaugurait que j’allais essayer d’être au plus proche des sensations raisonnements et sentiments liés au présent et que je tenterai de consigner pour toi des informations concernant mes pistes de travail en cours, n’ayant toujours pas de catalogues c’est bien pratique pour communiquer et partager. Une sorte de journal, quoi. Pour être limpide : je n’ai rien écrit depuis 3 mois non pas parce que je n’ai pas travaillé (ma volonté de création n’est pas entamée) mais parce que je n’en avais pas le cœur, je n’étais pas disponible. Ben Ami Koller nous a quitté lui aussi au mois de décembre, mon bel ami des couleurs. J’avais planté mes racines dans les Landes, chez Jacques, l’été, pour peindre non stop sous le regard bienveillant du maître. Je revenais à la maison pour monter mes nouveautés à Jean Marie Cupillard, à l’époque mon galeriste et ami. Où est passé ce ping pong « je fais » et « je te montre », « on en parle » et « tu me montres »…ce terreau fertile ? Suis-je apte à faire seule ce travail d’auto décryptage de mes images ? Suis-je capable de travailler isolément sans l’un ni l’autre ?
J’avance une fresque sur métal, toujours mes « toiles en tôle » d’aluminium qui se destine à Montpellier : je cherche des formes claires et positives car elle devra vivre dans le monde des affaires et porter chance à un ami dont la réussite me fait plaisir. En décembre, mon grand nu bleu et une nouvelle version du dormeur ont pris place dans l’exposition du Belvédère « Mon voisin est un artiste ». Comme d’habitude, la date du vernissage fût placée le même jour que la soirée annuelle du Lycée où nous avons présenté le pré-montage du film « 2010, l’odyssée de l’espace », ce remake en dessin d’animation réalisé en république tchèque ces mêmes mois et que je place haut dans mon intérêt, nous irons au festival de la FIFAV festival de film sur l’argile et le verre. Le Belvédère et l’occasion de voir les réactions, adhésion ou gestes indifférents…perdue. Quant à Laurence par ailleurs, à qui j’ai promis le dessin de « signes graphiques gestuels » pour ses carrés en céramique attend, j’espère encore, que je réalise une maquette sur papier qui sera transférée sur l’argile. J’y pense. Et l’atelier dans la lancée puisque nous faisons le tour des nouvelles ? Par manque de temps et peut-être de motivation (depuis le refus de permis de construire du premier projet de construction d’un mini atelier en ossature bois, ouvert sur la rue), l’extension de l’atelier est reportée. Et alors ? What happens ? Bilan ! Janvier est faste : j’ai installé de grandes pièces qui plaisent beaucoup à ceux qui portent un regard tendre à mon travail, j’ai vendu des petits formats d’un esprit nouveau, des prototypes en quelque sorte de petits croquis légers et gestuels. Cela a redonné un sens et remis en route la machine à envie, allumer la petite flamme du désir…si indispensable. Je crois être tout particulièrement aguerrie, 2008 était l’année des disparitions éprouvantes et injustes, 2009 semble s’amorcer comme une jolie année pleine de douceur et je dois compter sur l’effet printanier…ça y est je suis dans le présent à nouveau ! J’ai envie de me lancer dans l’affirmation monumentale de la féminité (ou du masculin) avec des dessins de nus à demi habillée, avec des attributs et prolongement sensuels chaussures, écharpes…cacher pour mieux montrer ? Il y a dans le non sens et Wittgenstein (si j’étais experte en philosophie, pourrais-je tant l’apprécier ?*) l’indiscible et l’inattaquable piste à la fois du sérieux et de la dérision , de la négation du sens ordinaire des choses, en dépit de mon goût justement porté- sur les choses ordinaires de la vie (!!!). Pour le thème de l’Europe, au Belvédère, j’avais pendu une éponge synthétique bleue pour se savonner tout en se posant la question « Savon de Marseille ou P’tit Dop? » et plus loin, sous le dormeur « Camembert ou Bridélight ? », Bridélight est un beurre allégé absolument insipide et P’tit dop un shampoing qui sent la lessive, parfaites images de ce bouleversant virage de la culture alimentaire européenne et de ses batailles de marques. Ils ont cohabité avec de grands nus à demi évanouis et pensifs, rendus fragiles, dubitatifs et pathétiques mais néanmoins détachés. La vie de nos corps, quels qu’ils soient, n’est pas sur le podium ni les revues de mode pourtant nous sommes tentés de lui imposer des contraintes : soit nous l’abandonnons soit nous lui portons des soins d’exception et d’une extrême douceur.
Tout ce qui côtoie le corps apparaît comme un élément porteur de symbole. L’attribut en peinture… Le Chancelier Séguier dans la peinture d’histoire, Madame Récamier pour la peinture psychologique, ou Thomas Ruff pour le portrait contemporain très physionomique, la poésie se dégage des « détails » à découvrir dans le tableau, de la présence ou de l’absence de passementeries brodées… ou d’objets intimes. Nature ou culture…ou entre les deux.
- Pierre C. aide-moi…Je ne suis pas philosophe mais de Wittgenstein je n’avais retenu dans mes études que seules les parties qui m’intéressaient parce que je m’y je me retrouvais en quelque sorte (…). La critique des conceptions austères concernant le sens. Les choses qu’on ne peut pas expliquer par des voies classiques mais qui permettent malgré tout d’exprimer des vérités métaphysiques ou éthiques, différemment d’une grammaire pure et logique. Le critère de sens, selon Wittgenstein, est encore plus fort : « la plupart des propositions et des questions qui ont été écrites touchant les matières philosophiques ne sont pas fausses, mais sont dépourvues de sens. » J’avais voulu y voir, après des études scientifiques qui m’avaient lassée, qu’on ne peut pas exprimer la vérité dans l’arithmétique… « car sinon le paradoxe pourrait s’exprimer et fournirait une contradiction » (trouvé sur internet !). Il y a dans l’art, le langage et les mots en liberté quelque chose de fantastique qu’on ne maîtrise pas et qui est très intéressant. A côté, c’est l’incomplétude des mathématiques et de toutes les disciplines « diseuses » de vérité qui paraîssent suspectes. Je me suis aperçue aussi de ma lassitude actuelle à l’égard des théories de la communication et de ses stratégies, surtout quand je suis amenée à enseigner les lois de la publicité et de ses concepts. Il y a fort longtemps, je me suis rendue à l’évidence, le langage qui sauve a la forme d’un bavardage, d’une confidence, d’une narration libre, un moment de parole « gratuite » et non intéressée, celle qui est la plus utile, tellement plus utile que les communications ciblées et signifiantes dans leur entier, où chaque mot peu être posé, pesé, dont l’utilité doit être prouvée et productive. La peinture c’est comme la parole, parfaitement inutile, et totalement indispensable quel que soit son énoncé. A quoi bon. Laissons la poésie se cacher, se lover où elle veut et surtout où elle peut. On s’accordera pour penser que ce sera une autre vérité dont la quête tour à tour nous épuise puis nous fortifie.