Ce sont les éléments physiques qui nous transportent, dans un seul élan, dans le domaine plastique.
Après avoir été geek, je fuis les écrans… (excepté Arte TV)… Les travaux d’archi et décor sont palpables et concrets. La peinture et le graphisme nous occupent avec du papier, des stylos, des crayons, des pinceaux et de la couleur. Idem, une seule heure de sport dans le givre et la glace en montagne ou dans l’écume de la mer, une seule après-midi de jardinage ou d’activité culinaire, permet de construire des paysages subconscients et des passions cent fois supérieures à celle obtenues par l’entremise des technologies. La technologie est faite pour aller vite, pour ne pas exécuter lentement ce qu’une machine peut nous permettre de faire vite et bien. Le temps gagné avec elle, dans un sens, amène à se recentrer sur l’essence de la vie.
Quand je lis l’actualité sur les secrets des lunettes connectées et que je réalise tout ce qu’elles vont changer, je me dis que pauvres seront les hommes et les femmes qui n’auront plus que ce joujou aux réponses toutes formulées et décryptées, fournies sur les écrans. Le goût des choses bien réelles, authentiques que l’on élabore soi-même ne va-t-il pas disparaître au profit des kits, des badges et gadgets qui vont agir sur nous de manière de plus en plus intrusive ? Les chiffres sur la santé font aujourd’hui l’effet d’une bombe : notre corps se dégrade dans l’environnement contemporain. Notre cerveau, nos papilles, nos yeux.
« DO IT YOURSELF »
Pour l’art et le design, faire c’est concevoir et investir toutes ses pensées pour faire exister quelque chose d’unique qui relève de « soi », n’appartient qu’à soi et n’engageant que soi.
Le goût du beurre frais ou du chocolat d’autrefois et des choux à la crème que ma mère cuisait pour les jours de fête, existe bel et bien. Les dalles de béton que j’ai lissé avec mon oncle, adolescente, les grands travaux de terrassement de mes maisons et leurs génolaines qui sortent des tranchées mettant à nu les mécanismes de la construction, sont autant objets concrets imbriqués à d’autres objets de ma vie, dans les différentes strates de mon expérience. Je suis prête à fendre quiconque tient pour le contraire que les choses que l’on prend le temps de fabriquer soi-même, sur mesure, sont les meilleures.
Tous les éléments expressifs de l’artiste, de l’architecte ou autres créateurs, sont imprégnés de la vie et de ses lieux communs, des émotions, des sentiments, des voyages, des livres, des films et des spectacles qui s’additionnent pour enrichir les images « intérieures » que l’atavisme déroule en nous obscurément. Sans vécu et sans ses étincelles, il n’y a rien. Je ne peux expliquer pourquoi j’ai considérablement apprécié le dernier film de Jim Jarmush « Only lovers left alive ». Le sujet certainement : le temps qui passe sur le monde qui se dégrade par la faute des hommes et deux extraterrestres, enfin je veux dire deux vampires, qui bravent le temps et regardent d’en haut les choses se faire et se défaire… quelquefois en dépit du bon sens ! Plasticité géniale, musique lancinante, beauté des décors, atmosphère décalée et tellement attachante. Tellement artistique !